L'INTERNAT, PLACEMENT OU GHETTO ?

 

L'INTERNAT PLACEMENT OU GHETTO ?

 

Souvent, le domicile éloigné, le sous-équipement en structures légères, les besoins éducatifs et rééducatifs amènent à orienter l'enfant vers cette solution.

On n'a pas à confondre un tel établissement avec un simple pensionnat, il n'y a pas de « surveillants »,  mais des éducateurs, des psychologues, des rééducateurs. Toutefois une surveillance  attentive et une vigilance particulière, une disponibilité, une présence, doivent être exercées sans fuite ni retraits par les responsables du bon fonctionnement et de l'animation. Toutes sortes de facteurs et d'actions sont à entreprendre pour assurer le bien-être et le respect de chacun.

 

Il y a l'internat et des internats, des circonstances et des passés qui lui donnaient une mauvaise réputation. Pourtant de nombreux enfants sans difficultés particulières y vivent leur scolarité (comme le futur Roi d'Angleterre).

On a entendu parler autrefois de placement rejet, et de placement oubli. Il est courant d'entendre des questions suspicieuses sur l'origine des pensionnaires, ne s'agirait-il pas de  cas  sociaux ? Ce n'est pas vrai, ces allusions doivent être démenties, les milieux les plus défavorisés et les plus démunis sont souvent les plus attentifs vis-à-vis de celui qu'ils comprennent mieux à la lumière de leurs propres difficultés. J'ai vu un seul cas de rejet définitif, de refus systématique même de voir leur enfant, que nous n'avons pu résoudre : Il s'agissait d'intellectuels  d'une très haute position, des élites que leur fonction aurait pu inciter à l'exemple !

Pourtant les choses ont bien changé, il y a partout des aménagements permettant un meilleur confort, une meilleure individualité. Il y a une décennie une de  nos Ministre de l'Éducation Nationale a lutté avec détermination contre le bizutage cette attitude est bien symptomatique d'une évolution vers plus de respect de la personne (voir mon livre "Le petit Soldat des Nuages").

 

L'écueil du ghetto ? Pourquoi y avait-il eu autrefois une situation apparemment abandonnique ? J’ai rarement constaté un réel désintérêt des parents, mais souvent une démission. Culpabilisés par eux-mêmes et par leur entourage, ils se persuadaient que leur enfant "était mieux" dans un Centre où il pouvait bénéficier d'intervenants spécialisés. Il faut dire que parfois cette situation avait trouvé des complicités pour des raisons purement gestionnaires d'effectif et de prévision budgétaire à respecter.

Mais surtout l'environnement social n'était pas encore réceptif. Certes on n'en était plus à cette situation très ancienne que m'a décrite un Directeur d'école   Normale,     dans   son   enfance   toute différence même une femme enceinte était montrée du doigt, (voir aussi l'œuvre de Marcel Pagnol).  Mais  rien  n'était fait pour encourager  et faciliter l'acceptation et la présence parmi les autres. La vue ressentie comme pénible ou même insupportable d'une souffrance supposée amenait à des rejets et des actes ou des paroles trop dures à supporter. Actuellement la situation s'est complètement inversée, il est bien rare qu'il n'y ait pas un retour chez eux tous les week-ends. La réaction du public agressif qui disait "Quand on a des enfants comme ça on ne les montre pas, on les cache" s'est souvent muée en indifférence feinte pour ne pas blesser.

Cette banalisation a pu même permettre des excès d'égoïsme. Nous avons vu dans le train, au moment des convoyages organisés pour les départs en vacances, des passagers refuser de céder une place assise, alors que nous l'avions réservée à l'avance. Mais laisse-t-on toujours sa place à une personne âgée dans le métro ?

Il y a quelque temps encore, bien volontiers les parents venaient chercher leur enfant au Centre avec leur voiture personnelle. Cela permettait des contacts, réunions de synthèse programmées à ce moment-là, entretien avec le médecin et tous ceux ayant à charge sa rééducation et son éducation. Beaucoup, grâce au dévouement des employés de la SNCF, pouvaient voyager par le train, mais pour aller de la gare à leur domicile, ou dans   les   pays   mal   desservis,    un   véhicule automobile était indispensable. Maintenant ces transports sont pris en charge par le budget des établissements. S'ils voyagent en V S L (Véhicule Sanitaire Léger), ce serait dommage que cette étiquette leur donne un statut de malade.

L'enfant ou l'adolescent a besoin de découvrir un autre monde que le cercle familial forcément étroit, mais, en cas de plurihandicap, son état de dépendance ne lui permettra pas de faire cette découverte en dehors d'un milieu protégé.

La seule différence sur le plan de "ghetto" ne vient pas de l'implantation mais de la politique éducative et de l'ouverture du Centre sur l'extérieur.

De toute façon ce n'est pas à nous de nous projeter, leur ghetto c'est leur Infirmité qu'il faut les aider à accepter et à contourner en développant et utilisant les possibilités restantes.

N'oublions pas que plus tard beaucoup vivront en milieu ^protégé. Il faut les préparer à une vie collective, ce qui ne les empêchera pas alors de sortir en explorations accompagnées.

Un centre par et pour eux : Le manque d'indépendance et surtout d'autonomie (l'indépendance est physique, l'autonomie psychologique) exigent trop souvent des mesures spéciales. Il y a aussi des conditions géographiques. Le séjour sera si possible en semi-internat, dans un "Centre". Tout dépendra alors des parents, mais surtout de l'exigence et de la persuasion, d'une écoute constructive pour que l'enfant n'y soit pas oublié, pour que la famille ne démissionne pas au profit d'un personnel "plus compétent". Il y faut des facilitations : convoyages, sorties, ramassages, et transports pour faciliter le retour "chez eux".

Un centre n'a pas de porte fermée, il est ouvert à tous ceux qui s'y intéressent de près ou de loin. Il appartient aux responsables de faire visiter, d'expliquer, de répondre à toutes les questions (mais toujours dans la généralité, jamais aux étrangers pour des cas individuels). Pour cela les occasions d'ouvertures sont multiples : Kermesse, Portes ouvertes, Fête de Noël, Bal masqué, Jeux, Rencontres sportives (où sont invités les écoles et les enfants du voisinage).

La valeur d'un "Centre", c'est son climat,  l'ambiance  donnée par l'exemple de ses cadres, par la compétence et l'ouverture d'esprit  de  son  personnel.   Ce  n'est  pas  une question de murs mais de tolérance et de compréhension réciproque, de patience, d'empathie avec l'enfant ou l'adolescent.

Ainsi quelle que soit la gravité des atteintes, quel que soit le comportement, quel que soit le lieu, à partir des possibilités, des évolutions salutaires se produiront vers plus d'indépendance physique, plus d'autonomie.

Surtout ne projetons pas nos ambitions ou nos intérêts d'adultes, sachons patienter dans la montée progressive marche à marche dans l'escalier des apprentissages, avant d'amener nos enfants à l'appréciation d'une jouissance plus abstraite.

Je me souviens d'une petite fille tellement atteinte sur le plan moteur, que personne ne pouvait l'analyser et la comprendre. Personne sauf la maman ! Elle nous expliquait, à nous sceptiques au départ, comment elle communiquait avec son enfant aux yeux vifs. Parce que cette mère avait établi des échanges par mimiques et esquisses de gestes, nos pictogrammes déjà élaborés, ont pu être augmentés et diversifiés pour arriver actuellement à 800 : (les "Images pour raconter de Cornusse"). Par  la  suite,  incorporés  dans  un  logiciel  qui les traduisait en textes et en voix, les progrès ont été stupéfiants. Cette jeune fille était devenue capable de raconter des histoires, de plaisanter, d'écrire des lettres à ses chanteurs préférés... Cela n'aurait pu se faire sans une totale interdépendance et des attentions constantes. C'est bien cette maman qui nous a convaincus des possibilités de sa fille, à une époque où des médecins la considéraient comme une arriérée profonde.

Souvent la cohabitation de handicaps différents effraie. Sauf si l'on veut comme autrefois des centres spécialisés, pour maintenir l'enfant le plus près de sa famille, il faut bien regrouper, même si on s'attache à une certaine homogénéité. Une création pour chaque particularité est impossible.

 

ARCHITECTURE d’un « Centre »

 

Partant de leur propre vision, les architectes ont trop souvent été tentés au départ, limités aussi par des problèmes de coût, de concevoir des locaux où tout est facilité. Bien sûr il n'est pas question de mettre l'enfant et l'adolescent dans une situation insurmontable. Mais veut-on concevoir des Centres pour permettre l'utilisation maximum des possibilités ou veut-on protéger, mettre à l'abri dans des bonbonnières ouatées de gadgets. J'ai toujours pensé que la rééducation était basée sur la motivation et sur l'obstacle.

Dans une architecture conçue comme un "bloc" les nécessités de déplacements seraient limitées comme elles l'étaient autrefois dans les hôpitaux. Il n'y aurait plus aucune sollicitation pour aller "dehors" et circuler.

Il faut certainement un plateau technique important sur le plan aménagements : Très grand gymnase, piscine, terrain de sport, locaux médicaux, ateliers d'initiation au travail.

Les pensionnaires doivent bénéficier d'un important espace qui invite à l'indépendance pour aller en classe, à l'atelier, en rééducation. Permettant également la pratique de disciplines sportives et pourquoi pas des chevaux choisis spécialement.

Un Institut doit être conçu comme un territoire. Sa destination c'est la rééducation, pas la protection. Si toutes les activités quotidiennes étaient tellement facilitées, comment, plus tard devenus autonomes, ces adultes pourraient s'adapter à une vie sociale exigeante  en  démarches ? Pendant l'enfance il faut stimuler, susciter,   favoriser  les  explorations.   Pour  avoir l'envie et le besoin de bouger, de marcher, il faut aller quelque part.

Aussi ai-je toujours préconisé, et réalisé, une structure conçue comme un "village d'enfants",    le  pensionnaire  quitte  son  lieu d'hébergement ("l'appartement") pour aller à "l'école", au "dispensaire", au "gymnase", à "l'atelier", dans les bureaux ("Mairie").

L'enfant va en... Soit s'il le peut en marchant, soit en fauteuil roulant manuel ou électrique, assisté et aidé mais plutôt stimulé.

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